En créant, par la loi n° 66-62 du 30 juin 1966, la Compagnie du Théâtre national Daniel Sorano, la jeune république du Sénégal posait un des jalons fondateurs de sa volonté de manifester à la face du monde la richesse incommensurable de son patrimoine culturel et artistique. Plusieurs décennies plus tard, l’on ne peut que constater que cette vocation a largement été illustrée par les trois troupes dont elle s’est dotée pour se lancer à l’assaut de ses ambitions. Justifiant son nom princier, l’Ensemble traditionnel de ballet « La Linguère » est devenu Altesse royale de la chorégraphie et du rythme africains, se créant ainsi une place de choix dans l’aristocratie mondiale de la danse. Grâce à ses cantatrices aux voix captivantes, suaves et envoutantes, L’Ensemble lyrique traditionnel s’est, quant à lui, définitivement installé comme l’une des étoiles les plus brillantes de la constellation nationale de la chanson. Enfin, la Troupe nationale dramatique, dont les comédiens ont éclaboussé le premier Festival mondial des arts nègres de leur talent et de leur génie est l’une des références les plus acceptées de la dramaturgie universelle. Et, il ne faudrait pas oublier l’infrastructure de diffusion que constitue Sorano qui a été le lieu de la promotion de créations en arts vivants des expressions culturelles du monde entier, asseyant ainsi une réputation jamais démentie de vitrine planétaire de l’excellence. Après plus de cinquante cinq ans d’existence Sorano est aujourd’hui à la croisée des chemins entre l’impérieux devoir de préserver des acquis certains et la nécessité de s’adapter à un nouvel environnement. En effet les changements du contexte économique et social ont modifié en profondeur les rapports entre art, culture et société au point de remettre en cause les missions des institutions traditionnelles de la culture. Dès lors il convient de mieux mesurer ces changements et leurs conséquences pour ainsi tenter, dans le respect du temps de la maturation, avec courage et prudence, de réinventer les fondements d’une architecture nouvelle plaçant au centre des préoccupations le public, la qualité des productions et le respect des standards du spectacle vivant. Aujourd’hui que le monde vit avec une intensité particulièrement dramatique l’après COVID il est attendu de cette infrastructure une réponse culturelle innovante et décisive face aux défis. Sorano sera assurément aux avant-postes de la réalisation de cette nouvelle épopée